Thalassa Shang.

Sa position à l'arrière du convoi avait au moins le mérite de permettre au Thalassa de surveiller l'ensemble de l'expédition. Malheureusement, il était dans le même temps réduit à la plus parfaite des impuissances... Tenter de venir en aide à l'un de ses collègues pour écarter l'une ou l'autre des menaces soudainement apparues était parfaitement jouable, mais trop dangereux pour qu'il ne puisse se le permettre sans raison vraiment tangible. S'il avait décidé de venir en aide à Logan ou à Violet, alors il aurait dû laisser à Ghetis le soin de protéger l'arrière de la troupe parfaitement seul... Un rôle bien trop ardu pour une seule et même personne, a fortiori si l'on considérait que le contre-amiral, lui aussi, avait droit à sa propre adversaire. Pourtant, alors que la tension était à son comble, alors que la majorité des hors-la-loi s'apprêtaient à percuter leurs premiers opposants pour défaire promptement la formation adoptée, un événement surprenant eut lieu. La vue du gouvernemental se brouilla et, soudain, tout autour de lui, il prit conscience du fait que l'environnement venait de changer. Le contre-amiral Archer venait manifestement de faire usage de son fruit, et s'il en avait déjà quelques fois entendu parler, c'était la toute première fois qu'il assistait à l'utilisation de cette compétence... Particulièrement satisfait de la tournure que la situation prenait et du répit qui leur était accordé grâce aux épais murs de diamant qui s'élevaient de part et d'autre du cortège gouvernemental, Shang se permit un bref moment de répit. Il zieuta simplement du côté des marines, et constata avec soulagement qu'aucun d'entre eux n'avait eu pour l'heure à souffrir d'une attaque incommodante : le maudit avait agi au moment le plus propice. Parfait... La suite de la situation s'avérait encore plus satisfaisante : le marine proposait de pousser le ponéglyphe à même le sol, histoire de le faire progresser le plus rapidement possible. Cela n'allait pas leur permettre de semer les membres de la Triade, ou les Decimas qui ne tarderaient guère à s'élancer à leur rencontre, mais cela pouvait au moins minimiser le risque de se retrouver dans une parfaite embuscade, et l'envoyé de l'Étoile devait admettre que ce choix était tout-à-fait respectable.

Toutefois, alors que Taito, Ghetis et les deux colosses s'apprêtaient à pousser, Shang grommela sourdement puis s'avança à leur côté. Avant même que la colonne ne se remette en marche, il donna soudainement quelques ordres et pointa sa lance en direction du ponéglyphe, avant de la tenir à la manière d'une quille de billard. Il prit alors la parole, fermement et directement, distribuant un ordre simple et clair :

-Non. Montez tous dessus. Vite.

Sa méthode à lui aurait au moins le mérite de leur donner une vitesse inouïe, chose qu'ils n'auraient pas forcément pu atteindre en se contentant de pousser. Ainsi, lorsque les membres du groupes furent enfin solidement ancrés sur la pierre archéologique, le gouvernemental recouvrit sa lance de haki et, avec une violence spectaculaire, vint percuter le ponéglyphe de plein fouet qui, bien entendu, ne céda aucunement. Au contraire, il profita de la merveilleuse force déployée par le coup pour se retrouver projeter, au même titre qu'un palet de hockey sur un sol de glace. Sans plus attendre et considérant qu'ils ne tarderaient guère à atteindre l'extrémité de l'arène, qui signifierait plus ou moins l'emplacement de la plage et du navire qui les attendait, Shang se mit à hurler quelques consignes supplémentaires, courant aussi vite que possible tout en sachant pertinemment qu'ils prendraient fatalement une avance considérable :

-Supprimez l'arène, montez le ponéglyphe sur le bateau, et levez directement l'ancre ! Si je ne reviens pas à temps, partez sans moi ! En mon absence, Liang prendra le contrôle de l'opération !

Ils ne le connaissaient pas encore, mais le Thalassa ne se faisait aucune idée à ce sujet : ils sauraient le reconnaître dès lors qu'ils poseraient leurs yeux sur sa silhouette. Après tout, les deux hommes se ressemblaient de façon assez flagrante, et pour cause... Ils étaient cousins !
Ainsi, lorsque le ponéglyphe percuterait sourdement le bord de l'arène et que Ghetis prendrait enfin la décision de la faire disparaître, un spectacle des plus surprenants s'offrirait à eux. Face à eux, non loin de la plage se dresserait effectivement un gigantesque galion de la marine, à la coque ornée de granit marin et à bord duquel se mettraient à papillonner des nuées de soldats. Le navire de guerre, directement relié à la plage de sables fins par une passerelle de bois, se montrerait sous son plus glorieux jour : tout un attirail de combat avait été solidement apprêté, dans le cas de figure où les affrontements s'approcheraient un peu trop au goût des gouvernementaux. Mais ceux qui attireraient les regards des membres du groupe secret seraient les trois silhouettes les plus proches, à quelques mètres d'eux seulement : s'ils connaissaient les premiers, en la personne de Russian Fitcher, les deux autres, en revanche, leurs seraient un peu moins familiers...

Thalassa Liang et Thalassa Ning.

-Grand frère ! Grand frère ! Regarde, ils sont là !
-Je les ai vu, oui, Ning... Dépêchez-vous, montez le ponéglyphe, on remballe ! Je vous couvre !

Les deux Thalassa souffraient d'un certain nombre de points communs avec Shang, mais c'était surtout la clarté de leur chevelure qui ne manquerait pas de mettre la puce à l'oreille des gradés de la marine. Dans tous les cas, tout deux semblaient prêts à livrer bataille, au même titre que Russian qui, légèrement en retrait, avait d'ores et déjà dégainé sa large claymore. Ning arborait une espèce de lance-roquette massif, qu'elle semblait pourtant pouvoir manier avec une aisance et une grâce surprenante, et ce en dépit de sa corpulence fluette. Liang, quant à lui, tenait entre ses mains une lance similaire à celle de son cousin... A ceci près que les plus observateurs pourraient y déceler une bonne quantité de granit marin.

Thalassa Liang et Thalassa Ning.

-Il est resté derrière ?! Quel abruti, il va...
-Je vais l'aider !
-Russian !

L'ancien vice-amiral s'était jeté à l'assaut de la forêt avant même que Liang n'en prenne conscience. Malgré sa vieillesse déjà bien entamée, il avait indéniablement conservé de bons restes de son passé militaire : sa large épée le démontra bien assez lorsque, d'un mouvement ample, elle découpa trois des immenses arbres qui lui barraient le passage. Il s'engouffra dans ce chemin improvisé sans davantage réfléchir, et le Thalassa désormais en charge de opérations serre les mâchoires en grommelant. Impossible de se séparer davantage pour le poursuivre et l'empêcher de réaliser une folie, même si ça n'était pas l'envie qui manquait... Certes, Shang était un élément important sinon indispensable de leur troupe, une véritable pierre angulaire, mais s'il était incapable de s'en tirer de lui-même, alors il y avait fort à parier que personne ici n'y parviendrait ! A contre-cœur, l'envoyé de l'Étoile se détourna de la forêt en jetant un bref regard à la troupe qui l'entourait. Il ne les connaissait pas, mais les estimait pour ce qu'ils étaient : de valeureux soldats ayant accepté de livrer bataille au nom d'un puissant qu'ils ne connaissaient pas plus. C'était un signe de loyauté évident que d'accepter de risquer la mort au nom d'un supérieur sans que celui-là ne nous ait jamais prouvé sa compétence, et, en ce sens, ils méritaient sa gratitude. Mieux encore : même si l'objectif initial n'avait pas vraiment été rempli, ils avaient fait d'une pierre deux coups en récupérant un ponéglyphe et en livrant au Gouvernement Mondial un flux conséquents d'informations et de renseignements en tout genre. En bref, leur présence ici sur Olandaina n'avait clairement pas été vaine, et ils allaient forcément en être récompensé, si tel était leur désir. Bien décidé à reprendre les choses en main, tel que Ghetis l'avait introduit un peu plus tôt, le jeune gouvernemental haussa de la voix avec fermeté et conviction :

-Que ceux qui peuvent combattre à distance ou même ralentir nos ennemis s'avancent et se tiennent prêts ! S'ils débarquent, vous avez ordre de tirer à volonté ! Ning, tiens-toi prête !
-Comme toujours !

La pétillante demoiselle et son frère aîné grimpèrent vivement sur le navire de guerre et ôtèrent la passerelle en bois avant de beugler de nouveaux ordres, motivant les troupes présentes et les poussant à manœuvrer le navire aussi promptement que possible. Une partie des matelots en position vinrent au passage se munir d'armes à feu en tout genre, mais c'était clairement la demoiselle qui, d'entre tous, semblait posséder le meilleur artifice. Son lance-roquette fraîchement chargé semblait être, scruté d'un peu plus près, une véritable oeuvre d'art. Des spécialistes en la matière n'auraient aucun mal à se rendre compte du potentiel destructeur de ses munitions, et de la puissance de frappe colossale qui y était condensée. Voir une telle arme entre les mains délicates et fragiles d'une jeune femme aux allures graciles aurait sans doute eu de quoi en surprendre plus d'un, mais il allait sans dire que Ning, au même titre que les autres Thalassa, possédait un certain talent en terme de potentiel brut... Toujours était-il que le navire, désormais mis en branle, se préparait enfin à quitter l'enfer au sein duquel s'étaient d'ores et déjà livrer de nombreuses batailles lorsque les fourrées commencèrent à s'écarter, non loin d'eux. Si la plupart des militaires se raidirent immédiatement, ceux qui possédaient le haki de l'observation ne tardèrent pas à se rendre compte du fait qu'il ne s'agissait cette fois-ci d'aucune menace...

-Ne tirez pas, c'est Sh... oh mon dieu...

Toute l'assurance de Liang s'était tue, d'un coup d'un seul, lorsque ses yeux avaient enfin discerné sa silhouette avec plus de précision. La lance habituellement si fringante et tranchante qu'il baladait avec lui se trouvait être brisée en deux. Son corps, maculé de sang, témoignait d'une blessure virulente et conséquente... Et pour cause : à la place de son bras gauche béait un trou sanguinolent. Sans plus hésiter, le jeune Thalassa enjamba le bastingage et se précipita aux côtés de son cousin pour le soutenir et l'aider à progresser plus vite tandis que Ning se raidissait furieusement, soudainement plus concentrée qu'à l'accoutumée. Et elle avait manifestement raison de l'être : son frère aîné venait tout juste de mettre la main sur le blessé et de commencer à remonter la plage qu'une furieuse explosion eut lieu, non loin derrière eux, balayant une bonne partie des arbres qui, jusque-là, faisaient office de voile. Une silhouette fantomatique ne manqua alors pas de s'ériger progressivement parmi les décombres, étonnamment fluide et limpide.

Anna Mendez, ex Aokiji.

Anna Mendez était là, d'autres Decimas et membres de la Triade sur les talons. S'il n'y avait aucun signe de Russian, en revanche, il allait sans dire que le combat avait été âpre. De nombreux adversaires de la justice étaient meurtris, certains possédant des plaies et des estafilades pratiquement aussi graves que celles dont avait à souffrir Shang en personne. Même Aokiji, étonnamment, était blessée : un hématome violacé lui couvrait la moitié de l'abdomen, à demi-découvert à travers ses vêtements, et une longue coupure l'avait atteinte du bassin jusqu'à l'épaule, sans visiblement laisser pour autant de graves séquelles. Si Liang et le blessé avaient une certaine avance et qu'ils risquaient fort d'arriver au navire à temps, il était plus difficile de savoir s'ils sauraient le faire avant ou après avoir été encerclé et battu à mort par leurs ennemis... Cette perspective effrayante poussa un certain nombre de marines à faire feu, mais ce fut clairement Ning qui eut la réaction la plus impressionnante. Son visage, qui était passé de l'inquiétude folle à la rage aveugle, redevint parfaitement impassible, sinon blême. Puis elle appuya sur la détente, sans réfléchir une seule seconde supplémentaire : le projectile qui partit se dirigea droit vers Aokiji, qui répliqua d'un violent coup de poing. L'idée aurait été salvatrice en temps normal mais, considérant la puissance de l'objet, il s'agissait là d'un acte pratiquement suicidaire. Certes, l'ancienne amirale ne risquait pas grand chose compte tenu de sa malédiction, mais l'explosion cataclysmique qui naquit de la détonation souffla une bonne partie de ses alliés, projetant les autres à terre dans un grand spectacles de flammes et de bourrasques. Les deux Thalassa eux-mêmes s'effondrèrent momentanément, surpris par l'action de leur alliée, mais se remirent promptement en marche. Cela étant, si la majorité des ennemis avaient été écarté d'un coup d'un seul, d'autres s'étaient d'ores et déjà remis en marche, toujours plus féroces...

Keel.

-Je suis fier d'avoir servi la cause.

Des mots emprunts d'une telle humanité sortant de la bouche d'un Pacifista sonnaient assurément faux, et un bon nombre de personnes auraient pu croire à un simple programme anticipé. Pour autant, la lueur de résignation qui brillait sur le visage presque humain de Keel semblait témoigner d'une émotion véritable, quand bien même il n'était pas censé pouvoir en ressentir. Brusquement, il imita Liang, un instant auparavant, et enjamba le bastingage. Toutefois, plutôt que d'aider les deux Thalassa à progresser, il continua tout droit, passa à côté d'eux au pas de course... Et continua sa folle épopée droit en direction des troupes qui se massaient déjà non loin. Aokiji, le regard morne et impassible, lui projeta sans plus attendre une espèce de lame transparente, qui se couvrit alors de haki. Le Numero, incapable de l'éviter ou de la bloquer, fut simplement coupé en deux... Et poursuivit sa progression en rampant.

-Autodestruction enclenchée.

Une nouvelle détonation eut lieu, encore plus surprenante et effarante que la précédente. Ce précieux gain de temps, offert par le sacrifice de Keel, additionné aux multiples manœuvres engagées par les gouvernementaux encore à bord permirent à Liang et à Shang de remonter jusqu'au pont. Le navire, alors, acheva ses manœuvres et se mit à quitter l'île... Et contre toute attente, les choses en restèrent là.
Ao Kiji resta sur la plage, les bras ballants, en les fixant s'éloigner avant de vivement tourner les talons et de s'enfoncer à nouveau dans la forêt, imitée par les autres Decimas. Les membres de la Triade restants, quant à eux, tentèrent de s'occuper du navire à distance, mais sans succès. La coque de granit marin en faisait une véritable forteresse, et les marines à bord pouvaient se charger de défendre les quelques parties exposées. La réponse à l'énigme Anna Mendez fut donnée par le Thalassa au bras manquant, entre deux grognements de douleur :

-Russian... Il est resté... Il combattait le Chevalier, quand je suis parti... Mendez ne peut pas trop s'éloigner... Pareil pour les autres pions.

Ning sembla déglutir un instant avant de détourner le regard, peinée. Liang, quant à lui, demeura complètement stoïque, comme incapable de faire transparaître la moindre émotion. Mais ce fut, des trois, Shang qui semblait le plus atteint. Son regard lourd semblait briller de fureur, de hargne, mais surtout de regret et de honte. Il s'était grossièrement surestimé, et avait pensé qu'il serait largement capable de tenir tête à Aokiji, au moins plusieurs minutes durant... Au lieu de ça, le chevalier avait rapidement compris qu'il lui tenait tête grâce à son haki de l'observation et, à partir de là, le cours de la bataille s'était inversé du tout au tout. Si Russian n'avait pas pu intervenir au moment opportun, le Thalassa y serait mort, assurément...

Thalassa Liang et Thalassa Ning.

-Nous n'avertirons pas Rusukaina. Tout a été vidé, et même s'il restait quelqu'un, ils ne pourraient rien pour nous. Nous allons poursuivre notre périple droit devant, sans nous arrêter pour quelque escale que ce soit. Nous devrions être ainsi assez rapides pour atteindre Mariejoa avant qu'ils ne nous rattrapent.

C'était Liang qui avait répondu aux dires de Ghetis, les bras croisés et à demi-adossé contre le bastingage, scrutant du coin de l’œil Logan, Taito et Kanaë qui s'affairaient auprès du souffrant pour abréger ses souffrances et stabiliser son état. Il n'avait strictement aucune connaissance en médecine, et devait ainsi se contenter de les laisser faire. L’œil toujours attristé, manifestement atterré par la perspective affreuse qu'était la perte de Russian, il demeura silencieux et stoïque une paire d'instants tandis que les matelots, tout autour d'eux, s'acharnaient à leur donner autant de vitesse que possible pour semer la tortue géante. Techniquement, sur cette question, le Thalassa était relativement optimiste : le temps que les hors-la-loi ne lèvent l'ancre, ils auraient déjà une avance quelque peu confortable. De surcroît, les Decimas risquaient de ne pas accepter de les laisser filer sans piper mot : ils avaient créés une grossière erreur, laquelle avait coûté la vie à plusieurs subordonnés de Centes, allant même jusqu'à mettre l'un de ses Chevaliers en danger. Un danger certes superficiel, mais un danger tout de même : si le Gouvernement Mondial avait assimilé la menace de manière plus concrète, Aokiji aurait même pu être ramenée à Marineford, ce qui aurait incontestablement été une bonne affaire. Au final, ce qui faisait le plus jubiler le cousin de Shang, par-dessus la réussit de l'escouade et la récupération du ponéglyphe, c'était que les membres de cette prénommée Triade allaient certainement organiser une traque à la taupe avec insistance pour savoir comment et quand la marine avait pu mettre la main basse sur des informations les concernant. Futilité, évidemment... Les Thalassa n'avaient eu besoin d'aucun espion pour parvenir à localiser leur position, et pas plus pour savoir qu'une tentative d'alliance allait y avoir lieu. Oui, définitivement, le Gouvernement Mondial était encore à craindre, du point de vue de ses ennemis...

Toujours était-il que Logan eut à peine le temps de parachever sa petite opération que deux grands marines parvinrent au niveau du petit groupe, avec une espèce de large porte en guise de brancard improvisé afin de déplacer Shang jusqu'à l'intérieur confortablement. Cependant, alors que l'un d'entre eux s'approchait de lui pour l'aider à s'installer, le responsable de l'opération le repoussa de sa main restante, fermement mais délicatement, avant de se redresser par ses propres moyens. Il était pâle et tremblant, certes, et grandement diminué physiquement, cela sautait aux yeux... Mais sa fierté avait assurément souffert de la ridiculisation qu'il avait eu à endurer face à Aokiji, et même les paroles de Logan n'avaient pas semblé avoir un grand effet. Liang s'approcha de son cousin pour lui prêter main forte, et tout deux disparurent dans les entrailles du bâtiment naval tandis que Ning, silencieusement, lâchait un sourire discret et peiné. Ils se connaissaient tous les trois depuis leur plus tendre enfance, et c'était normal : ils étaient de la même famille, avait grandi dans la même ville, auprès des mêmes professeurs. Son frère et Shang avaient toujours été de grands camarades de jeu, puis de fidèles partenaires d'entraînement. Cela expliquait leur manière très similaire de combattre, mais aussi leur efficacité en duo... Sans doute son frangin s'en voulait-il justement à cause de cet état de fait également : à deux, ils auraient peut-être eu leurs chances, face à Anna Mendez. Cependant, elle ne pouvait pour l'heure pas faire grand chose pour eux : il était des blessures que seul le temps pouvait guérir. Le regret et l'amertume en faisaient indéniablement parti. Elle déposa son arme démesurée à même le pont, se dirigea vers le mât principal et accrocha les cordages qui y étaient disposés tout en destinant quelques paroles à l'attention des marines restés sur place :

-Je vais surveiller les environs. Reposez-vous, vous l'avez mérité ! Je ferai signe, quand on arrivera.

Là-dessus, elle s'éclipsa, démontrant une vivacité et une agilité hors du commun en grimpant les cordages qui s'offraient à elle, comme intuitivement.
Il fallut encore une bonne dizaine de minutes avant qu'il n'y ait à nouveau le moindre mouvement sur le navire, en dehors de la horde d'agents du Gouvernement qui continuaient à travailler âprement : Liang émergea de l'intérieur du navire et se dirigea vers ceux du groupe qui étaient restés sur le pont, afin de leur adresser quelques informations supplémentaires.

-L'état de Shang est stabilisé. J'ai trouvé un ancien médecin de bord parmi les membres de l'équipage, et il a accepté de veiller sur lui jusqu'à Mariejoa. J'ai appelé notre supérieur, et il va envoyer un navire plus léger et plus rapide pour nous rejoindre à mi-chemin et pour le prendre en charge le plus promptement possible. Merci pour tout.... mais j'imagine que vous souhaitez des éclaircissements, plus que des remerciements.

Il poussa un soupir en s'adossant péniblement au premier bastingage qu'il découvrit. Là-dessus, il se contenta d'enchaîner sans arrêter, ayant manifestement envie d'en finir au plus vite avec cette tâche qui, logiquement, aurait dû échoir à Shang s'il n'avait pas été dans un état aussi déplorable.

-D'abord, on a du nouveau sur les pouvoirs de Centes. Enfin, ce ne sont que les quelques informations qu'a pu en tirer Shang durant l'affrontement, mais il semble que si les Chevaliers soient capables de donner des ordres, ceux du Monarque priment. Autrement dit, un Chevalier ne peut pas donner un ordre contraire à ceux de Centes. C'est pour ça qu'Aokiji n'a pas pu quitter l'île : elle a dû être attachée à sa protection rapprochée et devait à ce titre souffrir d'une limite de distance. Quant aux autres pions, même si c'est purement spéculatif, c'est sans doute lié à la maladresse du Chevalier dans le choix de ses mots. Shang affirme qu'il a crié "Accompagnez Aokiji et tuez les intrus"... Si tel est le cas, alors en voyant qu'elle s'arrêtait, ils ont été contraint à le faire aussi. Ce qui signifierait que le pouvoir de Centes ne tire sa toute puissance que dans son habileté orale : faites lui perdre les pédales, et comme son Chevalier, il donnera des ordres non adéquats.

C'étaient là de maigres renseignements, glanés au prix fort, mais il était toujours intéressant d'en avertir ces hauts-gradés de la marine aux carrières aussi prometteuses. Avec un peu de chance, cela leur permettrait, à l'avenir, de sortir de situations épineuses en jouant sur ce mince indice... Cependant, Liang se doutait qu'il ne s'agissait pas là non plus de ce que les membres de cette petite équipe attendaient : ils souhaitaient sans aucun doute en savoir plus sur eux... Et sur leur employeur à tous. C'est pour cela qu'il annonça, franc et direct, sans la moindre délicatesse, l'objet de leur curiosité.

-Nous sommes tous les trois de la même famille. Notre employeur est Thalassa Yang, l'une des cinq étoiles... Notre grand-père. Et nous sommes également directement liés à la célèbre dynastie d'West Blue, si la question vous taraude. Nous n'avons pas de grade ni de carrière militaire à proprement parlé, mais nous avons été entraînés par les plus grands, ce qui fait de nos puissances et de nos influences plus ou moins l'équivalent de celles de vos vices-amiraux. Mais bon... Vous en apprendrez plus sur Mariejoa. Vous le rencontrerez en personne. Notre grand-père.