« Quoi ? Keskiya ? T'as cru que j'avais peur ? J'te démonte moi, j'suis un bonhomme ! »
C'est pour le journal !
Quelques jours plus tard, Enies Lobby...
Les mains croisées, étonnamment calme et le faciès sérieux, Akis était assis dans le bureau d'un rédacteur en chef, son papier final entre les mains dudit supérieur lequel, la mine sévère, le parcourait de bout en bout pour en dénicher la moindre anomalie. L'interview d'Heziel avait évidemment été remaniée, puisque le rouquin avait mis le temps de son retour à Enies Lobby à profit : il avait fait en sorte de présenter les faits d'une manière plus fluide, plus limpide, pour que le tout venant ait affaire à une version particulièrement cristalline c'est faits énoncés, pour qu'il n'éprouve pas la nécessité d'y replonger par trois fois afin de n'en rien omettre. Il imaginait que le cuisinier n'aurait, dans l'absolu, pas le moindre souci avec ce remaniement certes express, mais plus pratique et technique que véritablement démagogique : seule la forme avait été altérée, pas le fond, conformément à la promesse que l'envoyé spécial avait formulée à l'égard du fameux pirate. Tout ça dans le but de finalement trouver sa place dans l'une des prochaines éditions du GSI et, si possible, parmi les premières pages, celles-là même qui aéraient les articles afin de les rendre à la fois plus accessibles et plus attrayants. C'était une occasion en or, pour le jeune rédacteur, d'enfin commencer à se bâtir une petite réputation dans le milieu... Ainsi, avec appréhension, il attendait que Janmark finisse enfin l'examen préliminaire de son oeuvre. S'il ne doutait pas de la capacité de ce dernier à trouver une coquille dans le texte, il espérait que cette fois-ci, rien ne l'empêcherait de profiter d'un quart d'heure de gloire... Et il fut grandement rassuré en voyant qu'aucun sourire éclatant et provocateur ne venait couvrir les lèvres mesquines de son supérieur, de plus en plus déconfit à mesure qu'il avançait dans la lecture. Finalement, lorsqu'il eut achevé de survoler la dernière ligne, le Morendiny ouvrit vainement la bouche, comme pour trouver un reproche à formuler, mais capitula après une demie-seconde d'hésitations stupides et débiles. Il n'en fallut pas plus pour que le Tokushi ne devienne soudainement plus assuré et plus audacieux : un grand sourire sur les lèvres, il se pencha légèrement en avant, comme pour dévisager son supérieur, dans le but évident de profiter de cette occasion pour le pousser subtilement à bout.
« Ben alors, m'sieur Morendiny ? Ce papier que je vous ramène... Il serait pas... Bon ? »
Si une veine battit la tempe de son supérieur, ce dernier se contenta de se renfrogner dans un premier temps, admettant de ce fait la victoire exceptionnelle du jeune salarié. C'était un article rondement mené, un interview exclusif qui, de surcroît, se payait le luxe de n'être infamant pour personne, et surtout pas pour le Gouvernement Mondial... Le Cipher Pol 8 avait tout intérêt à laisser passer l'article, quitte à l'utiliser à l'avenir comme caution de la liberté d'expression des journalistes : quel modèle de censure absolue laisserait passer un reportage mettant en avant la vision pacifique d'un criminel ? Sauf que le plus habile, c'était encore que la majorité des civils prendraient Heziel Coffe pour un barbare irresponsable et stupide. Les intentions des dires du cuisinier seraient déformées directement dans le cerveau des lecteurs... Autant dire qu'à ce stade, il n'y avait aucune raison de chipoter ou de taper sur les doigts d'Akis qui, au contraire, méritait même invraisemblablement quelques félicitations d'usage. Sauf qu'exaspéré par la conduite ragaillardir de son subordonné, Janmark ne tarda guère à renoncer à la miséricorde et à la mansuétude qui auraient pu l'habiter en temps normal : cette fois-ci, il allait se montrer sec et impitoyable... Comme toujours avec le rouquin, dans le fond. Lorsqu'un sourire hautain et de bien mauvais augure zébra son visage, le garnement qui lui tenait tête tressaillit puissamment, attendant la suite avec appréhension. Et il ne fut pas déçu...
« Hunhunhun... C'est vrai... C'est un bon papier, Akis... Un très bon papier... Qui pourra paraître... Après le prochain numéro... » « NANI ? MASAKA ! » « Tu l'as oublié, pas vrai ? Euphorique, tu t'es perdu dans la création de cet article, perdant de vue le fait que le prochain numéro est un numéro SPÉCIAL FAUNE MARINE ! Ton article ne traitant pas de la faune marine, il ne pourra pas paraître ! Et puisque tu n'as pas fourni de travail... Tu n'auras pas ta paye ! « OOOOOOH NOOOOOOOOOO ! »»
Le rouquin tomba à genoux, terrorisé, se tenant la tête entre ses mains, cambré et le regard orienté vers le plafond. Il n'allait pas pouvoir payer sa part du loyer, ce mois-ci... C'était Saka, sa petite amie, qui allait devoir l'assurer. Elle allait le défoncer.
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